mardi 19 mars 2024

    L’auto-dénigrement n’étant, bien entendu, qu’une autre façon de rechercher l’approbation ou l'affection des autres. N’ayez crainte : tout cela est sans issue.

(2994)



    Quand quelqu’un dit qu’il ne m’apprécie pas, je ne peux que lui donner raison. Et encore : il ne sait pas tout. Si chacun d’entre nous avait un miroir permettant de lui montrer ses défauts à chaque fois qu’ils se manifestent, personne ne survivrait. Il faut se mentir à soi-même pour s'aimer tout à fait.
    Comment peut-on mettre au monde un enfant, à moins d’être certain qu’il sera dépourvu de discernement ? Voilà qui m’a toujours stupéfait.
    « Masochisme » répondra le Psychologue de base, auquel il est inutile de s’adresser.

(2993)



dimanche 17 mars 2024

    Le pessimisme, quand on s'y habitue, est tout aussi agréable que l'optimisme . 

(Arnold Bennett)

 


   J’entends quelquefois parler d’«authenticité» à propos d’un homme. De quoi s’agit-il ? Quel serait cet homme qui pourrait être fidèle à ce qu’il est profondément ? Et tout d’abord, qui est-il, profondément ? Qu’est-ce que l’essence de l’être*, sinon une vue de l’esprit ? L’être humain est cette créature qui se cherche sans jamais se trouver. Il se transforme à chaque instant. Sans cesse, le voilà « autre ».
    L’homme est par nature inauthentique. C’est un chaos, une contradiction permanente.
    Lord Byron dit avec raison qu’il est tour à tour tout et son contraire et jamais pendant longtemps - voilà peut-être quelqu'un d'authentique : celui qui sait qu’il ne l’est pas. L’homme est cette pure folie prétendant posséder la raison - j’en veux pour preuve l’état du monde.

*Le LDS pardonnera l’emploi de cette malheureuse expression.

(2992)



    Nous pouvons remarquer en général que les esprits des hommes sont des miroirs les uns pour les autres (...)

(David Hume)



samedi 16 mars 2024

    Nous le savons, le monde dans lequel nous vivons est : non divin, immoral, inhumain. 

(Friedrich Nietzsche)

 



   C’est grâce à la richesse du langage que l’on finit par constater sa pauvreté.

(2990)



    - Je vous aime.
    - J’en suis heureux. Que faire ?
    - Nous séparer demain matin.
    - Pour nous retrouver ?   
    - Un soir.

(2991)



   Le jardinage procure un immense plaisir, néanmoins dépassé par celui qui vient ensuite, lorsque la nuit tombe et que nous sommes sous la douche, avec l’air hébété de celui qui a passé une excellente journée.

(2988)




 

vendredi 15 mars 2024

    Comme tous les princes Mychkine Marsupilami, il m’arrive de serrer un tronc d’arbre dans mes bras. C’est en cas de fort vent que l’étreinte est la plus agréable : le tronc se balance de façon à peine perceptible, offrant l’ivresse de ce qui n’a jamais été qu’une illusion temporaire.

(2987)



   Les opposés se succèdent naturellement en nous et hors de nous. Il ne m’est ni utile, ni possible de trouver le pourquoi des phénomènes ; ce qui m’importe, c’est de savoir qu’après tel mouvement j’aurai tel autre. Le cercle vicieux est donc le meilleur de tous les raisonnements.

(Marie-Jean Hérault de Séchelles)

 



jeudi 14 mars 2024

    Je me souviens d’un homme, fort mauvais musicien, qui s’était offert un piano à queue pour fêter son départ à la retraite. Il faisait des fausses notes à longueur de journée. Un jour, il m’avait dit : « N’avez-vous pas peur de rater votre vie ? »
    Je me rappelle souvent cette vision au moment d'ajuster un coussin avant la sieste.

(2983)




   Je ne sais pas ce que c'est que la liberté, moi, ni ce que c'est que la patrie. J'ai toujours été fouetté, giflé, - voilà pour la liberté ; - pour la patrie, je ne connais que notre appartement où je m'embête, et les champs où je me plais, mais où je ne vais pas.
    Je me moque de la Grèce et de l'Italie, du Tibre et de l'Eurotas. J'aime mieux le ruisseau de Farreyrolles, la bouse des vaches, le crottin des chevaux et ramasser des pissenlits pour en faire de la salade.

(Jules Vallès)

 
 

    Individuellement, nous allons vers la mort, et collectivement vers le suicide.

(2985)



mardi 12 mars 2024

 

 
(Merci à Laurent Ruquier, LDS)
 
 



 

    Les aphorismes de Blaise Lesire, dit le Mar­quis de l’Orée, dans ce premier livre Opuscule navrant, au titre d’une délicate ironie, se fondent sur une seule certitude, celle de l’incertitude, et, comme il le dit de façon apparemment tragique,  de « l’insanité du bonheur ».

   Lire un recueil d’aphorismes est une opération de longue haleine, on peut se promener en trempant sa ligne dans le ruisseau et en avançant à la paresseuse… Puis, soudain, une piqûre, un vif-argent entre deux eaux et un éblouissement surgit.

   Opuscule navrant révèle une boîte à bijoux où se nichent la langue de la vivacité, la mélancolie ensoleillée, une vive désespérance et une ironie toujours en osmose avec le pitoyable ou le grandiose de notre improbable humanité.

« Dérober la cerise et délaisser le gâteau » (1972)

«  Je n’ai qu’une parole, et c’est pour ça que je ne vous la donnerai pas. Je refuse que l’on me pense capable de tenir une promesse » (1976)

   Dans cette œuvre exploratrice aux deux mille entrées, Blaise Lesire fait une entrée remarquable et remarquée dans la littérature. Les articles élogieux de Bruxelles à Paris, d’autres suivront certainement, relèvent la qualité intrinsèque de l’ouvrage : une radicalité joyeuse, une langue sans paresse, exigeante et fine, toute entière marquée par ce pari inouï de vivre la tête haute avant qu’elle ne tombe.

   Nous sommes dans le centenaire de la naissance du surréalisme et les éditions Le cactus inébranlable ont magnifiquement rappelé à quel point le surréalisme belge se démarquait d’avec d’autres courants surréalistes en brocardant toute papauté en la matière.

   L’auteur nous fait part des vertiges et des joyeusetés mortifères de notre métier de vivre. C’est « un livre paresseux comme un miroir, les odeurs en plus. »

   Sa lecture, à petites doses, fait naître à chaque fois le sentiment d’une profonde complicité avec le lecteur. La fausse bonhomie où l’emphase discrète sont les risques majeurs du praticien de l’aphorisme. Blaise Lesire, à aucun moment, ne se paye de mots, lui qui nous rappelle que « La mélancolie est le seul patrimoine de l’humanité qui mérite d’être sauvegardé » (771).

   L’auteur, qui a choisi de vivre dans un discret écart du monde littéraire, vient d’y prendre place de façon magistrale. La vivacité et, osons le mot, la compassion de l’écrivain avec la compagnie des hommes, donnent à ce livre une roborative dimension. Autrement dit, chez Lesire, la mélancolie ne rétrécit pas l’horizon mais, au contraire, en révèle les innombrables diffractions.

"Citoyen du monde végétal, j’envierais le minéral."

   Nous savons, en ce temps de sarcasme et de folie meurtrière sans cesse renouvelés, que la littérature peut peu de choses, si ce n’est qu’elle renvoie, quand elle est de la matière de celle de Blaise Lesire, à une forme d’enthousiasme à ne pas céder et à lire dans les plis de l’histoire des raisons de ne pas croire mais de penser, humblement peut-être, à l’infinie complexité du monde où chacun a ses raisons quand la raison démissionne.

                            Daniel Simon

 

              (Merci à Daniel Simon, LDS - Par ici)




dimanche 10 mars 2024

    Si je devais faire un cadeau à la génération suivante, je lui apprendrais à ne pas se prendre au sérieux.

(Charles Monroe Schulz)

 




   Le pic des Cinq vieillards, au sud-est du Lu shan,
dans le ciel d’azur découpe un lotus en or
la splendeur des Neufs affluents est à portée de main
ah ! construire ici mon nid, parmi les pins et les nuages

(Li Bai - Dérobé par ici chez Corine Leforestier

 

 
Photographie - tiger-sly


    Puissent les femmes d’Iran danser un jour dans la poussière des mollahs.

(Paul Lambda)

 


    On m’ouvre une porte, j’entre et me trouve devant cent portes fermées.

(Antonio Porchia)

 


samedi 9 mars 2024

   Une de mes plus infidèles complices m’envoie ce message : « Les tissus mous et la sincérité sont intimement liés. »
    Ah, mes amies, vous seules savez combien je vous aime, toutes...

(2976)



    Nous sommes des illusions temporaires. Persona ? Nous ne sommes personne. Cousin Frédéric, faisant la sieste sous le même arbre que Tchouang-tseu, a écrit dès son réveil : « Le moi n'est pas haïssable, ni même adorable, mais tout simplement introuvable. »

(2974)



jeudi 7 mars 2024

    On nous bassine avec les gens qui voyagent pour se trouver. Les seuls voyages sont ceux où l'on ne trouve rien, surtout pas soi, rien sinon d'autres formes sensibles d'inquiétude et d'absence. L'exotisme fondamental, c'est ça.

(Philippe Lançon)



    Peut-être l’humanité cessera-t-elle de se reproduire - je lui souhaite une agréable et lente extinction dans un sourire amusé -, mais si elle veut persister, l’abolition de l’argent, du travail obligatoire, des religions et des frontières ne pourra être évitée.
    (Il est cependant audacieux de rêver à voix haute, car l’assassinat est la forme de communication la plus répandue chez le bipède.)

(2969)