Qui pense avoir réalisé ses rêves n’a jamais vraiment rêvé.
(3175)
L’année 2025 débuta de façon banale, mais le premier avril m’offrit un cadeau de choix, quand je découvris cette phrase de Samuel Butler : « Il n'y a rien de plus impensable que la pensée, à moins que ce ne soit l'absence totale de pensée. »
Il faut imaginer ces instants de profondeur absolue où Tchouang-tseu fut terrorisé par le rire. Quiconque garde son sérieux n’a pas terminé l’exploration des grands fonds.
(3173)
J’en ai prêté à des gens qui ont disparu ensuite. J’en ai donné, et le résultat fut identique. Il me reste à glisser sous le seuil de pauvreté avec béatitude, à moins qu’un miracle ne se produise, et qu’un richissime passant désabusé m’en offre dans un élan de générosité sans retour, afin de parfaire l’expérience du don/contre-don, dans une variante non prévue par Marcel Mauss.
« Quelle force y a-t-il dans la chose qu'on donne qui fait que le donataire la rend ? » se demandait le brave homme. Aucune dans la société contemporaine, mon ami. Le Capitalisme à l’agonie se débattra en blessant tout le monde, et finira par tout anéantir. Avons-nous des nouvelles de Timon d’Athènes ?
Il est toujours possible de croire aux miracles et au paradis dans l’au-delà, mais il est plus sérieux de croire en la débâcle ici-bas.
(3174)
La mélancolie est une caresse intérieure. Accueillons-la avec volupté, mais rappelons-vous la main de cette amante qui nous caressait l’avant-bras autrefois. Au bout d’un certain moment, nous avions murmuré : « Tu creuses… »
Et c’est ainsi que chaque plaisir se transforme en souffrance. Si la douleur nous offre des moments de répits incomparables, et d’autant plus agréables que celle-là était profonde, ils sont cependant peu fréquents et de moindre durée. (Un point pour Arthur, un demi-point pour Lao-tseu.)
(3172)
L’art de l’improvisation et du renoncement est la caractéristique du cyclothymique, lequel change ses plans selon son humeur, c’est-à-dire à tout instant. Voilà pourquoi la rencontre de deux spécimens de cette espèce offre ce genre de répartie : « Je vous comprends comme personne, car je ne me comprends pas moi-même. Lorsqu’il m’arrive de déterminer l’origine mes errements, je me rends aussitôt à la période qui précède la naissance de l’Univers.
(3169)
Ne croyant ni en Dieu, ni en une société parfaite, ni en une amélioration de l'Homme, je suis désespéré. Les choses n'étant pas ce que je voudrais qu'elles fussent, j'ai tendance à râler, à rouspéter… Et puis je transforme ça en gaieté. En ironie. En humour.
- Pourquoi n’écrivez-vous plus rien ?
- Parce que je préfère ne rien faire.
- Parce que ma stupidité s’est réduite.
- Parce que les mots sont impuissants à dire ce que j’ai ressenti.
- Parce que me relire ne me procure plus aucun plaisir.
- Parce que je me suis suffisamment répété.
- Parce que j’aimerais vivre davantage.
- Parce que la plus belle des phrases ne vaut pas le sourire d’une amie.
- Parce qu’il est plus intéressant de parler avec les poules et les lapins.
- Parce que je ne voudrais pas devenir écrivain.
- Parce que la vieillesse ne convient pas aux gens de mon âge.
- Parce que j’ai eu tort de creuser là où il eût été préférable de rester à la surface.
- Parce que ma mauvaise humeur s’est dissipée.
- Parce qu’il est quelquefois agréable de prendre une décision afin de vérifier qu’elle est inopérante.
- Parce que j’ai beaucoup pensé au mot « sornettes » ces temps-ci.
(3150)
Je ne sais ce que j’ai pu paraître aux yeux du monde, mais à mes yeux il me semble que je n’ai jamais été qu’un enfant jouant au bord de la mer et se divertissant en trouvant de temps à autre un galet plus lisse ou un coquillage plus beau que les autres, alors que le grand océan de la vérité s’étendait devant moi, encore inexploré.
(Isaac Newton)
Bienheureux étaient alors les Phéaciens, non pas parce qu’ils sont nés des dieux, mais parce qu’ils honorent les jardins plus que tout. Ainsi, toute la fortune dont jouissent les Phéaciens était bien connue grâce à leurs jardins, mais j’aimerais aussi décrire dans le détail celui que j’ai vu. L’endroit tout entier était bas, et tous les cours d’eau descendant de la montagne s’y réunissaient. Un mur de pierre surplombait l’endroit, non pas un de ceux qu’un homme construit par sa souffrance, mais formé de pierres brutes assemblées ensemble.
(...)
Et une source jaillissait au milieu, supportant un courant plus rapide qu’une vague. Toutes les espèces d’oiseaux bénéficiaient de la liberté de l’endroit, charmant ceux qui les écoutaient de leurs chants, tandis qu’ils amusaient somptueusement les chasseurs de leur poursuite. Il était possible de voir toutes ces choses avec plaisir, mais il est encore plus agréable de les décrire à un public.
(Libanios)
Réveillé en pleine nuit, je me souviens de ces quelques mots :
« Je suis née très vieille. En naissant, je savais tout. Et chaque fois que j’apprenais quelque chose, c’était comme si je m’en souvenais. »
Mais quel en est l’auteur ? Je prends note, afin de faire des recherches par la suite. Or, par la suite je suis incapable de le retrouver. Déception, infinie déception. J’envoie des courriels, mais personne n’est en mesure de répondre. La citation n’est sûrement pas exacte. Il me semble qu’elle provient d’une pièce de théâtre… Ma mémoire s’efface donc sûrement. J’en rêvais, et me voilà tellement déçu. (Penser à rédiger le Traité de l’ultime déception.)
(3147)